Pr Daniel MARCELLI
Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
Ancien Chef du Service de Psychiatrie Infanto-Juvénile
du Centre Hospitalier Henri Laborit de Poitiers
Depuis 2018-2019 on observe une augmentation du nombre d’adolescents admis dans les services d’urgence, une tendance qui s’est amplifiée avec la crise COVID. Les demandes de consultation sont en nette augmentation tout comme les tentatives de suicide et non les passages à l’acte.
Quand devient-on adulte ?
Un adulte est un être qui a cessé de grandir physiquement et psychologiquement, mais il est difficile de savoir réellement ce que signifie « être adulte » si l’on considère l’adulte comme un être « stable », en « arrêt d’évolution ». Vu l’évolution de notre monde, il faudrait donc toujours garder une part d’adolescence en nous.
Devenir adulte signifie avoir un système de référence perfectionné et cesser de poser des actes en fonction de l’unique référentiel parental. De manière plus imagée, la fin de l’adolescence démarre souvent avec l’achat d’une machine à laver pour laver son linge sale en couple.
Les choses immuables : nos axes de vulnérabilité
- L’excitation
- La transformation de l’image et de l’identité du corps
- La sexualité
Les changements
- Les évolutions technologiques avec une grande puissance d’ouverture, mais aussi d’enfermement
- Le changement culturel qui touche les enfants avec le passage du statut de sujet à celui d’individu.
- L’expression d’une nouvelle demande de consultation : la transition sexuelle
Les choses immuables
L’excitation
Le jeune adolescent pubère est dans un corps et un état d’intranquilité avec deux stratégies possibles : attendre et différer, une stratégie dite plutôt féminine, ou déplacer son attention (vers des activités sportives par exemple).
Le surcroit d’excitation à l’adolescence n’est acceptable qu’à condition de ne pas avoir été confronté à des scènes d’excitation, de traumatisme dans son enfance, qui se réveillent souvent à ce moment-là. L’attitude à avoir par rapport à un jeune adolescent excité est un message empathique et non une stigmatisation. L’empathie, c’est déjà du soin.
La transformation pubertaire
C’est une modification sexuelle et morphologique qui implique 2 éléments :
- Un voyage de transformation dont l’adolescent ne connaît pas l’issue. Or le corps est l’objet de notre identification sociale, qui est remise en question lorsqu’il se transforme. C’est l’illusion de la continuité existentielle
- Une passivité subie dans ce voyage dans une société en mouvement constant qui ne cesse de prôner la liberté de choix
La puberté c’est comme une statue du XIXème siècle posée sur un socle. Si ce socle (narcissisme) est fragile, la statue risque de s’ébranler (ébranlement identitaire)
La sexualité
Sexualité vient de « secare », à savoir « coupé » de son autre moitié. C’est la coupure de la plénitude qui introduit l’humain dans le bien-être du désir sans fin. L’adolescence c’est donc entrer dans la dépendance affective avec un étranger, ce qui réactive la problématique de la petite enfance. Plus l’attachement de la petite enfance est sécure, plus il est simple d’aller découvrir autrui. Plus l’attachement est chaotique dans l’enfance, plus l’autre est perçu comme dangereux
Les changements
Du sujet à l’individu
Depuis le début du XXème siècle les hommes, les femmes et les enfants sont considérés comme des « individus » en capacité d’autonomie et de liberté de choix alors que, jusque-là, ils étaient considérés comme des « sujets » placés sous l’autorité d’un seigneur.
Depuis le début des années 1980, le bébé est décrit par ses compétences et le registre parental passe d’un mode répressif à un mode stimulant qui intègre 4 mots clés : exhortation, séduction, autonomie, choix. A partir de là, le rapport à soi précède le rapport à l’autre et instaure la croyance selon laquelle mon corps et ma pensée m’appartiennent et que nul autre peut revendiquer un droit quelconque sur l’un ou l’autre. Tout ce que je pense est légitime pour moi, mais pas forcément légal et la notion de réciprocité est très complexe.
Dès lors mettre la part de soi en l’autre n’est plus une conquête, mais un renoncement.
Sexe et genre
Jusque dans les années 90 le sexe et le genre sont en coalescence. Il n’y a pas le choix. A partir des années 90, les deux notions peuvent se dissocier avec le genre conçu comme une invention sociale. L’enfant se reconnait dans son corps lors de sa première année. C’est un corps « prototype » pré-sexuel. La conscience d’une différence des corps n’intervient qu’à l’âge de 3 ans et le sexe explose à la puberté dans le corps et la tête. S’il y a une intranquilité à ce moment-là ou une difficulté, le jeune peut l’attribuer à un écart entre e genre et le sexe.
Difficultés, conflits
- « Neurologisation » excessive : même si toutes nos facultés résident dans notre cerveau, tout n’est pas lisible dans nos synapses puisque 80% du cerveau relève du social
- Il ne peut y avoir liberté sans conflit psychique
- Lorsque l’enfant est considéré comme un objet (en cas de divorce par ex), l’hyper maturité ou adultisation précoce est souvent synonyme de souffrance
- Un humain 100% sujet est névrosé, un humain 100% individualisé est un psychopathe
Outils de la transition et de passage
Groupes de parole « PASSAJ »
Groupe de parole de jeunes adultes mis en place en 2018 après un constat d’accentuation de l’effet de rupture, et un vécu d’abandon, avec le passage de la pédopsychiatrie à la psychiatrie adulte. Création d’un jeu de société sur mesure
Transidentité et transition, Agnès Gras-Vincendon
Le Dr Gras-Vincendon suit actuellement 100 patients qui souhaitent changer de sexe. La démarche nécessite plus d’un an de suivi psychologique.
Mis à jour le 23/02/2023