Qu’est-ce que c’est ?
Les crises non-épileptiques psychogènes (CNEP) sont des crises très similaires à celles des patients épileptiques mais pour lesquelles on ne retrouve pas d’anomalie électrique dans le cerveau. On les appelle parfois « crises dissociatives », « crises fonctionnelles », « crises psychogènes » ou « pseudocrises ».
Alors je ne suis pas épileptique ?
Bien qu’elles se ressemblent beaucoup, crises d’épilepsie et CNEP sont deux maladies différentes. Elles n’ont pas les mêmes causes, et ne se traitent pas de la même manière.
Pour faire le diagnostic de CNEP, un bilan médical complet doit avoir été réalisé par un neurologue, avec notamment un ou plusieurs électro-encéphalogrammes (enregistrement électrique du cerveau), afin de s’assurer que les crises ne sont pas dues à l’épilepsie.
ATTENTION ! Certains patients peuvent avoir à la fois des crises d’épilepsie et des crises non-épileptiques (bien que ça ne soit pas la situation la plus fréquente). Si c’est votre cas, le neurologue vous le précisera. En cas de doute, n’hésitez pas à lui poser la question.
C’est une « fausse épilepsie » ?
Pourtant mes crises sont bien réelles !
Les CNEP sont une vraie maladie, reconnue par la médecine. Elles sont répertoriées dans la Classification Internationale des Maladies (CIM), dans la catégorie des « troubles dissociatifs ». Il ne s’agit pas du tout d’une simulation, puisque le patient ne fait pas « semblant » d’avoir une crise. C’est donc une véritable pathologie, qui est parfois très handicapante au quotidien. Comme cette maladie est peu connue du grand public, il pourrait vous sembler plus facile de dire aux autres que vous souffrez d’épilepsie, une maladie que les gens connaissent mieux. Cependant il est très important de faire la distinction entre CNEP et épilepsie, afin de recevoir le traitement approprié.
Dois-je continuer à prendre des médicaments antiépileptiques ?
Les médicaments antiépileptiques ne sont pas efficaces sur les CNEP. Une fois que le diagnostic de CNEP a été clairement établi, ces médicaments sont progressivement arrêtés, suivant la prescription du neurologue. Cela prend parfois du temps, car votre corps est habitué à ces traitements ; c’est pourquoi ils doivent être arrêtés petit à petit. Les médicaments antiépileptiques ne sont poursuivis que si vous souffrez à la fois d’épilepsie et de CNEP (voir plus haut).
ATTENTION ! Suivez toujours les prescriptions de votre médecin, et n’arrêtez pas vos médicaments tout seul.
Comment puis-je me soigner ?
Le traitement des CNEP est la psychothérapie. Elle peut être menée soit par un médecin psychiatre, soit par un psychologue. Il existe plusieurs types de psychothérapies.
Les différentes psychothérapies
- Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) aident le patient à identifier les comportements et les schémas de pensées erronés qui le font souffrir, afin d’apprendre de nouvelles manières de gérer les difficultés émotionnelles. Les TCC sont les seules psychothérapies à avoir fait scientifiquement la preuve de leur efficacité dans le traitement des CNEP. Cependant, d’autres types de thérapies peuvent s’avérer très efficaces chez certains patients.
- Les thérapies psychanalytiques permettent d’explorer les origines inconscientes des symptômes. A travers l’exploration du passé, des conflits intérieurs, des relations avec les parents durant l’enfance, le travail analytique aide le patient à découvrir le sens de ses symptômes et à mieux comprendre son propre fonctionnement psychique.
- Les thérapies systémiques familiales peuvent être très utiles lorsque les crises surviennent dans un contexte de difficultés relationnelles entre les membres de la famille.
- L’EMDR est un traitement de référence pour les « états de stress post-traumatiques ». Si les CNEP sont liés à un traumatisme sévère, dans l’enfance ou à l’âge adulte, l’EMDR peut amener le patient vers la guérison, parfois en seulement quelques séances.
- L’hypnose, la méditation de pleine conscience (ou mindfulness) et la relaxation peuvent également être utiles, car elles permettent d’apprendre à gérer l’anxiété (qui déclenche souvent les crises) et qu’elles s’intéressent aux rapports entre le corps et l’esprit.
A quoi sont dues ces crises ?
Les connaissances scientifiques sur les CNEP sont encore peu nombreuses, bien que des chercheurs s’y intéressent. C’est une maladie complexe, qui semble avoir des causes différentes selon les individus. Chez un même patient, il est fréquent que plusieurs causes soient retrouvées en même temps.
Quelques causes fréquentes
- Stress, contrariétés, frustrations, angoisse : Chez de nombreux patients, les crises surviennent lors de situations stressantes ou suite à des émotions intenses (négatives ou positives). Il faut bien comprendre que ces états émotionnels déclenchent la crise, mais qu’ils n’en sont pas vraiment la cause.
- Difficulté à gérer ses émotions : Ce ne sont pas les émotions, mais la façon de les gérer qui pose problème dans les CNEP. Tout le monde ressent des émotions intenses, mais seules certaines personnes font des crises psychogènes. Des études ont montré que les patients souffrant de CNEP ont du mal à identifier et exprimer leurs émotions par des mots (on appelle ça l’alexithymie). Les CNEP seraient alors l’expression par le corps de sentiments trop difficile à exprimer par des mots. L’un des buts de la psychothérapie est donc d’aider la personne à pouvoir comprendre et exprimer verbalement ses émotions.
- Tendances dissociatives : Certaines personnes ressentent les émotions de manière plus intense que les autres. On les décrit souvent comme « trop sensibles », « à fleur de peau ». Ces personnes peuvent être submergées par leurs émotions lorsqu’elles sont trop fortes. La dissociation est un mécanisme de défense du psychisme qui permet de se déconnecter temporairement de la réalité lorsque celle-ci nous perturbe trop. C’est un phénomène normal, mais chez certains patients il est plus intense, et peut prendre la forme de crises psychogènes. En effet, lors des CNEP, le sujet se coupe du monde environnant (c’est pourquoi les CNEP sont classées dans les « troubles dissociatifs »). Le travail avec le psychothérapeute permet d’apprendre à prévenir les émotions fortes, à trouver d’autres moyens pour les gérer sans avoir à se couper de la réalité.
- Traumatismes (dans l’enfance ou à l’âge adulte) : Chez certains patients (mais pas chez tous), on retrouve des traumatismes psychiques graves comme des maltraitances dans l’enfance, des abus sexuels, des évènements violents. Lorsque c’est le cas, la psychothérapie peut aider à mieux vivre avec ces souvenirs douloureux, ce qui entraine parfois une diminution ou une disparition des crises.
ATTENTION ! Chaque cas est particulier. Il est possible que vous ne vous reconnaissiez dans aucune des situations décrites ici. La compréhension des mécanismes à l’origine de vos CNEP nécessite un travail régulier et individuel avec un psychothérapeute ou un médecin spécialisé.
Est-ce que c’est fréquent ?
On estime que les CNEP touchent 2 à 33 personnes sur 100.000, ce qui en fait une pathologie assez fréquente. De plus, beaucoup de patients ne savent pas qu’ils en sont atteints, et pensent être épileptiques. Ces personnes prennent parfois depuis plusieurs années des médicaments antiépileptiques qui ne servent à rien (puisque les crises ne sont pas dues à l’épilepsie). Ainsi, environ 1 personne sur 5 qui consulte dans un centre spécialisé pour une épilepsie résistante aux traitements est en fait atteinte de CNEP.
Y a-t-il des médicaments contre les CNEP ?
Il n’existe pas à l’heure actuelle de médicament pour soigner les CNEP. Cependant, il est possible que votre médecin vous prescrive un médicament psychotrope (antidépresseur, anxiolytique ) si vos crises sont associées à d’autres maladies, comme une dépression ou un trouble anxieux. En effet, ces maladies entretiennent et aggravent les CNEP, d’où l’importance de les traiter correctement.
Peut-on guérir des CNEP ?
Contrairement à beaucoup de patients souffrant d’épilepsie, vous avez la possibilité d’aller mieux, voire même de guérir complètement de vos crises sans avoir à prendre de médicament. Pour bien se soigner, la clé est d’être le plus régulier possible dans son suivi psychothérapeutique et médical. Chez certains patients, il suffit de quelques séances pour que les crises disparaissent ; chez d’autres le travail psychothérapeutique prend plus de temps. Malheureusement beaucoup de personnes
souffrant de CNEP ont du mal à franchir le pas d’aller consulter un psychothérapeute, et certains abandonnent avant même
d’avoir essayé, ou après la première séance. Gardez à l’esprit que la psychothérapie est un traitement efficace de vos crises : au fur et à mesure, vous apprendrez à comprendre vos crises, à mieux les gérer et peut-être même à vous en libérer complètement.
Rédigé par Dr Adrien Gras, psychiatre.
Mis à jour le 18/12/2023